En grève depuis quatre mois, le service des urgences de l'hôpital de Mulhouse a connu plusieurs démissions cet été. Parmi les médecins démissionnaires, Sophie Gaugler explique les raisons qui l'ont poussée à vouloir partir au bout de moins d'un an d'activité.
Sophie Gaugler, jeune médecin urgentiste, attirée par les perspectives de travail au service des urgences de Mulhouse, se dit complètement désabusée par ce qu'elle vit dans son milieu professionnel après moins d'un an de présence sur ce site. Au point de prendre la décision de partir, comme l'ont fait, ou vont le faire, d'autres collègues à elle, dans ce même service (lire aussi le témoignage anonyme d'un autre médecin démissionnaire sur Facebook). Pour nous, elle détaille son quotidien aux urgences et explique les raisons de son départ, basé sur "des conditions de travail qui mettent en danger les médecins et surtout les patients".
Des pauses réduites
"On fonctionne sur vingt-quatre heures. En général, on prend notre poste à 8h30 jusqu’au lendemain matin 8h30. Ou on peut également faire du douze heures, de 8h30 à 18h30 ou de 18h30 à 8h30 le lendemain matin."On prend une pause si possible. On n’a pas un temps déterminé pour nos pauses, c’est en fonction de l’activité et en fonction de notre poste. Quand il y a un flux important de patients il n’est pas possible de s’interrompre, ne serait-ce que 10 minutes, parce que les patients priment et s’il y a une urgence vitale on priorisera le patient."
Trop de patients
"Il y a beaucoup de patients à Mulhouse. Il y a une démographie importante sur le Haut-Rhin. Des gens viennent pour des choses qui ne sont pas urgentes ou pas vitales, qui surchargent les urgences. Pour désengorger le service on peut les renvoyer sur leur médecin traitant or ces dernières années il y a de moins en moins de médecins généralistes. Parmi ceux qui partent à la retraite, beaucoup ne sont pas remplacés, ce qui fait que ces patients se retrouvent sans médecin et leur seule possibilité d’en voir un est de venir aux urgences."Les craintes d’un accident grave
"Je suis épuisée et apeurée par ce qui risque d’arriver. On fait un métier qui est difficile, on le sait quand on commence notre travail. On a des activités très variées, des urgences vitales qui peuvent arriver à tout moment, c’est ce qui est plaisant dans notre métier mais aujourd’hui on met en danger la vie de nos patients parce qu’on n’est plus assez nombreux pour les prendre en charge correctement et le risque est qu’il y en a qui décèdent par manque de personnel, médical ou paramédical."Une sortie de crise espérée
"Il va falloir trouver une solution. Apporter des médecins de l’extérieur, essayer, peut-être, une autre façon de travailler. Travailler plus en collaboration, avec les paramédicaux par exemple, pour pallier cet afflux massif de patients et essayer de remonter des urgences acceptables sur Mulhouse".Sophie n'attendra pas cette éventuelle sortie de crise à Mulhouse, son avenir, elle le veut ailleurs: "Décider de partir au bout de moins d’un an c’est dur à accepter mais il faut relativiser cet échec. Cette situation est généralisée à toute la France, il y a des problèmes qui ne sont pas que liés à Mulhouse : le manque de lits, des gens qui viennent pour des raisons qui ne sont pas forcément urgentes. Cette nouvelle médecine qui pointe ne me plait pas forcément. Je vais travailler dans un autre centre où l’effectif médical est beaucoup plus important et adapté au nombre de passages."
Quatre mois de grève aux urgences de Mulhouse
La direction du GHRMSA (Groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace) s’est exprimée publiquement le 1er septembre sur la situation du service après plus de 4 mois de grève du personnel du service des urgences de l’hôpital Émile-Muller de Mulhouse. Corinne Krenker, la directrice, a préconisé plusieurs solutions à la crise du fait du départ de plusieurs médecins. Le service ne compte plus qu’une dizaine de médecins contre 24 auparavant. Des départs dûs à des conditions de travail qui se dégradent depuis plusieurs mois.Depuis ce 1er septembre, ils sont trois en poste sur 24 h, au lieu de six jusqu’à ce jour: un médecin à la régulation des appels du centre 15, un au SMUR contre deux auparavant et un médecin dans le service des urgences, contre trois normalement.
Les solutions préconisées par la direction :
- le recours à des médecins venant des hôpitaux voisins ( Colmar et Strasbourg), des médecins généralistes du secteur, intérimaires, des médecins du SDIS(service départemental d’incendie et de secours), du service de santé des armées et de la réserve sanitaire nationale.
- une réorganisation architecturale du service : Les locaux actuels ne sont plus adaptés au volume d’activité. Au cours des dix dernières années, on est passé de 45.000 à 55.000 passages par an en moyenne (+ 22 %), alors que la surface au sol du service est la même depuis 1978.